Explication sur l'arrĂȘt de DryCat

Explication sur l'arrĂȘt de DryCat

Si vous lisez ces lignes, c'est que vous avez trĂšs certainement dĂ» apprendre que j'arrĂȘte DryCat. Je tiens dans cet article Ă  expliquer les raisons personnelles de cet arrĂȘt. Les raisons officielles se trouvent sur le site officiel ou dans mes archives --qui utilisent Archivebox (voir l'article "Sauvez le web, faites des copies !").

Je vais vous faire un Ă©norme dĂ©tour sur mon histoire. Pour moi l'informatique, les notions de partage de connaissances et surtout Linux ça a commencĂ© quand j'Ă©tais en seconde (en 2011 donc), au club informatique de mon lycĂ©e. Ce club n'a pas Ă©tĂ© qu'un simple club oĂč j'ai appris Ă  utiliser Ubuntu, c'Ă©tait une communautĂ© qui m'a permis de me trouver, de savoir qui j'Ă©tais. C'Ă©tait une communautĂ© qui m'a protĂ©gĂ© et dans laquelle j'Ă©tais bien. J'y ai connu mon premier copain, sans aucun jugement ou autre.
Mais Ă©galement, ce club m'a appris, et en retour j'ai appris aux autres, j'ai transmis ce que je savais. Sans m'en rendre compte c'Ă©taient mes premiers pas dans le libre.
2014, Olympe Network que j'ai connu car je développais des sites web. A force d'aider, l'équipe m'a proposé de les rejoindre. Ce furent mes premiers pas dans le monde associatif numérique et toujours dans le libre. Je partageais, j'aidais, j'avançais.
Mais en dehors de ces communautĂ©s j'Ă©tais seul et harcelĂ©. Je parle ici du vrai harcĂšlement, celui oĂč venir Ă  l'Ă©cole Ă©tait un enfer, le harcĂ©lement moral "pauvre con", "t'es moche", "dis quoi que ce soit et j'te saigne", les moqueries continues, atteignant mĂȘme la violence physique par moments (le pince tĂ©ton, vous connaissez ? Ça fait super mal).


Petit détour sur le libre, le libre c'est pas de l'Open-Source, ce n'est pas dédié qu'au partage, le libre c'est un courant de pensée qui dépasse l'informatique et qui est basé sur le partage et non la privatisation des connaissances et des oeuvres.
Il y a 4 ans, le libre ne me semblait pas aussi politisé. Ou du moins l'était mais on ne "t'imposait" pas d'adhérer à un mouvement politique.
La philosophie du libre Ă©tait et est politique, par exemple sur les notions de partage des outils dĂ©veloppĂ©s par un organisme public qui doivent ĂȘtre publics. L'Etat doit partager ses ressources numĂ©riques plutĂŽt que de les confier Ă  des sous-traitants / les laisser privĂ©es (mine de rien, on finance pour pas avoir lesdites ressources). Mais la politique s'arrĂȘtait lĂ , aprĂšs c'Ă©tait de l'explication de philosophie de vie.


Il y a 4 ans, j'ai creusé l'administration systÚme de mon coté. Olympe Network venait de fermer, je n'avais plus la possibilité de partager, je n'avais plus cette communauté dans laquelle j'étais bien. Et là, Mastodon est sortie et DryCat est définitivement né (avril 2017).
Au tout début de Mastodon, j'ai re-découvert cette communauté, cette enthousiasme. J'aidais les gens, je partageais, j'apprenais. J'ai découvert des gens supers avec qui je suis resté (et je reste) en contact.
Et puis voilà, DryCat grandit, la communauté aussi.

Le début de la déchéance

Comme une histoire ne peut pas ĂȘtre que jolie, il y a bien une chute.
Cette chute-lĂ  se situe 5 mois (ou un an, je sais plus) aprĂšs le dĂ©but de DryCat lors d'une conversation oĂč je n'Ă©tais pas d'accord et oĂč ma maladroitesse de langage me fut fatale. Ce jour-lĂ  ainsi que les 3 qui ont suivi ont Ă©tĂ© une vĂ©ritable descente aux enfers. Insultes, diffamation, insultes, menaces. Mon passĂ© me rattrape, on retourne dans la boucle infernale. Cette semaine et les autres qui ont suivi, je ne dormais plus, je stressais Ă  l'idĂ©e que quelqu'un rentre chez moi ou m'attende devant pour me tabasser. Mais j'ai tenu bon, enfin, mes amis que j'ai connus plus tĂŽt m'ont aidĂ© Ă  me relever.
Ce fut ma premiÚre expérience avec des extrémistes. Oui, ceux-là ne portent pas de bombe (hormis des bombes de peinture et encore). Ces extrémistes vont juste te ruiner mentalement parce que tu ne penses pas comme eux ou parce que juste, ils peuvent pas te blairer.
En fait, plus généralement, ces personnes ne pourront simplement pas supporter une pensée différente de la leur (ce qui est possible pour des fourmis mais pas pour des humains).
Par ailleurs, depuis ce jour, tous les 3 mois je reçois des insultes de maniĂšre "anonyme" (on est sur Internet quand mĂȘme) et boom, de nouveau dans le cercle infernal. Et donc tous les 3 mois je revis ce que je ne souhaite Ă  personne de vivre.


Ouai mais alors lĂ  tu racontes ta vie mais j'm'en branle un peu en fait.

Alors oui, mais ça me permet de préciser des choses importantes. DryCat c'était une communauté qui était ouverte à la discussion, une communauté comme toutes celles que j'ai vécues, qui m'a protégé, qui m'a aidé, que j'ai aidé en retour. DryCat c'est le partage des connaissances, les discussions... Voilà ce que c'est DryCat, enfin ce pour quoi je l'ai monté. C'est aussi pour cette raison que je démonte DryCat.

Yes, on a réussi !! Encore un librisite mùle cis blanc hétéro en moins !

Maintenant que je n'ai plus de réputation à tenir : allez boire les rÚgles d'une chienne en chaleur et me cassez pas les couilles. Vous valez pas mieux que ceux que vous méprisez. Personne ne vaut plus qu'une autre personne, et encore moins vous !

Ouaip, ça fait du bien.


De la passion à la déception

Techniquement, DryCat c'est super intĂ©ressant malgrĂ© les problĂšmes d'une application (Matrix), le fait que ça coĂ»te un fric monstre (on tape sur du 85€/mois sans compter le serveur de monitoring / backup qui en 3 ans m'a coĂ»tĂ© 915€ (soit 25€/mois) et que ça me prend un temps de fou furieux, ce n'Ă©tait pas (trop) un soucis (sauf Synapse (Matrix)).

Comme indiqué plus haut, DryCat, les CHATONS, le libre sur le fédiverse c'était une communauté, des gens qui s'aident, qui partagent des ressources, qui sont ouverts à la discussion. Le tout via ActivityPub (qui est superbe comme norme par ailleurs).

Mais au fur et à mesure que le temps passe, tout a évolué.

Déjà le mouvement CHATONS qui était basé sur la confiance nécessite maintenant des vérifications et la dégafamisation n'est plus un objectif mais un combat quotidien qu'il faut respecter à 100% avec des rÚgles de plus en plus ubuesques.

Mais le fediverse aussi a évolué, beaucoup de gens que je trouvais intéressants sont partis. Dans ceux qui restaient, quelques-uns partagent encore des connaissances, mais la plupart du temps je trouve des personnes qui demandent des trucs gratuits et libres (alors que rien n'est gratuit), je vois également passer énormements d'informations partiellement vraies, d'images découpées, des discours (ou des articles) haineux provenant de sources ou médias pas toujours fiables ou encore de la politique... Que ça d'ailleurs.
Aujourd'hui j'ai presque autant de mots / comptes bloqué que la tour Eiffel a de marches.
Aujourd'hui le fediverse n'est que de la politique. Mais de la politique dont on ne peut pas discuter. De la politique qu'il faut accepter sans comprendre ou faire Ă©voluer.
Aujourd'hui sur le fediverse toute action est vouĂ©e Ă  interprĂ©tation. Toute phrase peut ĂȘtre dĂ©tournĂ©e, contredite et politisĂ©e. Je ne poste quasiment plus rien aujourd'hui parce que des gens vont penser Ă  ce que je pense Ă  ma place sans mĂȘme rĂ©flĂ©chir 3 secondes.
Aujourd'hui le fediverse n'apporte rien de bon, que de la haine, de l'entre-soi, qu'une sorte de bulle de pensée fermée et qui, avec le temps, devient hérmetique.
Aujourd'hui sur d'autres canaux de discussion c'est pareil. J'ai essayé d'avoir un avis différent, ça a échoué.

La discussion n'est plus possible. Seule la pensée unique l'est.

Enfin plus... Si, c'est encore possible, avec quelques personnes. Pas beaucoup. Trop peu...

Ca ne vous fait penser Ă  rien ? Chapitre "Le dĂ©but de la dĂ©chĂ©ance". L'extrĂȘme. Et l'extrĂȘme n'est jamais bon car on ne voit plus rien que son combat. On devient aveuglĂ© par une haine continue.

Sauf que je ne peux pas cautionner ça. Le but initial du Libre est le partage, la discussion. Se braquer parce qu'une personne discute mais n'a pas le mĂȘme avis que vous, ce n'est pas discuter.

J'ai fermé DryCat non pas pour des problÚmes techniques, ni des problÚmes financiers, mais pour des problÚmes moraux. Je ne peux pas cautionner la haine et l'extrémisme. Je ne peux pas et ne veux pas offrir un espace de parole à des extrémistes, offrir un pont vers ces gens, ces paroles. L'extrémisme n'a jamais fait avancer les choses, embriguade les gens pour au final ne rien faire pour la société (comme le complotisme en fait).

Est-ce un soucis liĂ© au fediverse ? Non, clairement pas. Le mĂȘme soucis est prĂ©sent partout sur Internet. Pourquoi ? Je ne sais pas. J'ai pas fait d'Ă©tudes sur ce sujet. Peut-ĂȘtre un jour, si je passe un diplĂŽme de sociologie (oui, je m'invente pas expert), mais pas aujourd'hui.

Je vais continuer à faire mon petit bout d'Internet chez moi, vous pouvez donc me contacter. Enfin ceux qui le souhaitent trouveront les moyens (c'est pas compliqué).
Cette décision m'attriste énormément, car DryCat est mon plus gros projet, ma plus grosse action faite envers la communauté. C'est ce qui m'a permis d'en arriver ou j'en suis et je ne remercierai jamais assez les personnes avec qui j'ai pu échanger, avoir de vraies discussions. Ces personnes qui m'ont fait découvrir des choses. Ces personnes qui m'ont aidé.

Mais je ne peux continuer Ă  maintenir quelque chose qui ne correspond plus Ă  mes valeurs.

Photo by ankhesenamunnn
Merci Ă  OpenFreax pour la relecture et la correction d'ortographe.